Depuis leur arrachement au continent africain au début du XVIIe siècle, les Noirs américains ont tourné leur regard vers l'Afrique, matrice de leur expérience et source de leur construction identitaire. Peut-on réparer un lien brisé et, après une créolisation forcée, dépasser le manque? Si certains ont envisagé le "retour" au sens littéral, concevant le Panafricanisme comme une fraternité et une familiarité inaltérées de part et d'autres de l'Atlantique, d'autres ont davantage pensé la solidarité politique entre descendants d'une mère terre désormais éloignés mais dont le combat demeurait commun. Anticipant la notion de "diaspora", les Afro-descendants, de l'Amérique et de la Caraïbe, se sont ainsi identifiés à la lutte anticoloniale menée en Afrique.

Des mémoires africaines enfouies des premiers esclaves au Congrès Panafricain pensé par W.E.B. Du Bois en passant par Marcus Garvey, le Panafricanisme est l'autre nom d'une quête nationaliste de soi et d'un désir de re-filiation qui se sont bien souvent révélée n'être qu'un mirage.

Sylvie Laurent

Historienne et américaniste, Sylvie Laurent est maître de conférences à Sciences-Po Paris, et sur le campus américain de Reims, où elle enseigne l’histoire des dissidences américaines, en particulier l'histoire politique et culturelle des Africains-Américains. Agrégée d'histoire et docteur en littérature et civilisation américaines, elle est également chercheuse associée au Stanford Center for Poverty and Inequality et ancienne fellow au WEB Du Bois Institute for African American Research à Harvard. Auteur de nombreux articles dans la presse, elle a publié plusieurs ouvrages : Homérique Amérique (Le Seuil, 2008), Poor White Trash, la pauvreté odieuse du Blanc américain (Presses de la Sorbonne, 2011), Biographie intellectuelle et politique de Martin Luther King (Le Seuil, 2015), La Couleur du marché, racisme et néolibéralisme aux Etats-Unis (Le Seuil, 2016).