Édouard Nousveaux part au Sénégal en 1842, à une époque charnière. L’occupation française en Afrique subsaharienne se cantonne alors aux littoraux où sont installés forts et comptoirs. La station extérieure d’Afrique regroupe les bâtiments de la Marine rattachés à l’île de Gorée mais peu de navires commerciaux naviguent le long des côtes jusqu’à l’équateur. Dans le deuxième tiers du XIXe siècle, la France va affirmer de nouvelles ambitions commerciales. Des missions d’exploration sont entreprises. Les littoraux sont cartographiés, des traités de négoce sont signés et des cessions territoriales opérées, marquant l’expansion de la colonisation française en Afrique subsaharienne. L’officier de marine Édouard Boüet-Willaumez y prend part. Édouard Nousveaux séjourne en Afrique à ses côtés. S’il navigue le long des côtes africaines, il fait également halte assez longuement au Sénégal, à Gorée et à Saint-Louis. Ses aquarelles rendent compte de la société coloniale sénégalaise.
Description nautique des côtes de l’Afrique occidentale comprises entre le Sénégal et l'Équateur par M. E. Bouët-Willaumez, capitaine de vaisseau ; commencée en 1838 et terminée en 1845 par les ordres de M. le contre-amiral Montagniès de la Roque, commandant la station navale sur ces côtes ; 2e édition publiée sous le Ministère de M. de Tracy
Paris, imprimerie administrative de Paul Dupont, 1849
Rés.-MH-L-A-004967
En 1838, l’officier de marine Louis Édouard Bouët Willaumez (1808-1871) débute son exploration des côtes occidentales africaines du Sénégal jusqu’au golfe de Guinée sur la cannonière-brick La Malouine. Il mène un important travail cartographique. Publiée pour la première fois en 1846, la description rassemble les connaissances hydrographiques de l’époque afin de faciliter la fréquentation de ces rivages. Elle est accompagnée d’illustrations de la main d’Édouard Bouët-Willaumez, mais aussi de Stanislas Darondeau et d’Édouard Nousveaux. Les explorations d’Édouard Bouët-Willaumez accompagnent l’expansion de l’entreprise coloniale française en Afrique. Édouard Bouët-Willaumez négocie des cessions territoriales et signe des traités commerciaux avec les autorités locales, telles qu’Antchuwè Kowè Rapontchombo (1780-1876), dit le « roi Denis », souverain mpongwè au Gabon. Devenu commandant de la station extérieure d’Afrique, Édouard Bouët-Willaumez est ensuite nommé gouverneur du Sénégal de 1843 à 1845.
- Stanislas Darondeau (1807 – 1842)
- Portrait d’homme, légendé « Notable noir »
- 1840 - 1841
- Crayon sur papier
- 75.14988.11
- Don A. Rinjard au musée de la France d’outre-mer, 1948
Le peintre français Stanislas Darondeau (1807-1842) accompagne l’officier de marine français Édouard Bouët-Willaumez dans son exploration des côtes africaines de l’Atlantique. Il meurt des suites de la fièvre tropicale après deux ans de séjour. Édouard Nousveaux est alors repéré « comme un artiste fort distingué et très capable » (rapport au Ministère de la Marine et des colonies, 11 août 1842, Service historique de la Défense). Âgé de 31 ans, il a commencé sa carrière comme paysagiste et exposé ses œuvres au Salon à partir de 1831. Le Ministère de la Marine et des Colonies lui attribue le poste d’artiste dessinateur attaché à la station extérieure d’Afrique. Il est chargé de continuer un album de vues côtières que le Ministère souhaiterait publier. L’album ne semble pas avoir vu le jour au retour d’Édouard Nousveaux mais ses œuvres, ainsi que celles de Stanislas Darondeau, sont reproduites dans plusieurs revues illustrées.
- Édouard Nousveaux (1811 – 1867)
- Femme de Saint-Louis en costume de fête, Sénégal, légendé au verso « Jeune négresse de St Louis/costume de fête/(Sénégal) »
- vers 1842
- Crayon graphite, aquarelle et rehauts de gouache sur papier
- 70.2019.2.4
En 1842, Édouard Nousveaux arrive au Sénégal. Il séjourne surtout à Gorée et à Saint-Louis, mais voyage également dans d’autres localités sénégalaises, ainsi que dans les contrées situées jusqu’à l’actuel Gabon, en naviguant aux côtés d’Édouard Bouët-Willaumez. Une partie de ses aquarelles a été peinte sur place, lors de ces deux années de séjour, mais d’autres ont été exécutées à son retour à Paris. Les motifs observés sur place deviennent une source d’inspiration pour ses tableaux de chevalet. Le modèle ici représenté est une étude pour la représentation d’habitants de Saint-Louis en costume de fête.
- Édouard Nousveaux (1811 – 1867)
- Jeune prince du pays de Galam et son captif en otages à Saint-Louis, Sénégal (légende au verso)
- 1843
- Crayon graphite, aquarelle et rehauts de gouache sur papier
- 70.2019.2.2
Édouard Nousveaux fait le portrait d’un jeune prince soninké capturé par les Français. En 1855, le gouverneur du Sénégal Louis Faidherbe créé à Saint-Louis une école des otages, établissement destiné à former les enfants de souverains et notables des territoires conquis par la France pour en faire des auxiliaires du pouvoir colonial.
- Édouard Nousveaux (1811 – 1867)
- Habitants de Saint-Louis en costume de fête, Sénégal (légende au verso)
- vers 1842
- Crayon graphite, aquarelle et gouache sur papier
- 70.2019.2.3
Fondée en 1659, la ville de Saint-Louis est le premier comptoir créé par les Français sur la côte atlantique en Afrique. Dans sa Description nautique des côtes de l’Afrique occidentale, Édouard Bouët-Willaumez note que « Saint-Louis, chef-lieu des établissements français de la côte d’Afrique, contient, d’après le recensement de 1843, une population de douze mille cent personnes, dont deux cents Européens, cinq mille trois cents indigènes libres, et six mille six cents captifs ».
- Édouard Nousveaux (1811 – 1867)
- Maison des esclaves à Gorée, Sénégal (légende au verso)
- 1848
- Aquarelle et crayon graphite sur papier
- 75.7599
- Ancienne collection Musée d’ethnographie du Trocadéro, transféré en 1933 au Musée permanent des colonies
L’artiste concentre sa composition sur un groupe d’hommes et de femmes qui occupent la cour de l’édifice. L’architecture est caractéristique des maisons des esclaves ou esclaveries de l’île de Gorée, avec un escalier courbe. Les arcades du rez-de-chaussée mènent aux cellules des captifs.
- Édouard Nousveaux (1811 – 1867)
- Île de Gorée, Sénégal
- 1843
- Crayon graphite, encre, aquarelle et rehauts de gouache sur papier
- 75.15200.2
- Ancienne collection Musée de la France d’outre-mer
Située au large de Dakar, l’île de Gorée a été occupée par les Français à partir de 1677. Du XVe au XIXe siècle, elle a été l’un des lieux de la traite négrière transatlantique. Édouard Nousveaux représente plusieurs navires autour de l’île, vaisseaux français mais aussi embarcation sénégalaise. Il détaille avec précision les édifices établis ainsi que le Castel, avec ses fortifications qui dominent l’île.
- Édouard Nousveaux (1811 – 1867)
- Signares assistant à une scène de danse à Gorée, Sénégal (légende au verso)
- 1842
- Aquarelle sur papier
- 70.2016.35.2
Issu du portugais senhoras (dames), le terme de « signares » désigne les femmes africaines ou métisses en couple avec des Européens. Elle forme une classe sociale aisée, investie dans le commerce. Édouard Nousveaux intègre par la suite cette scène de danse dans une grande toile commandée par le roi Louis-Philippe pour les galeries historiques du château de Versailles, Le Prince de Joinville assistant à une danse sur l’île de Gorée (1846).
- Édouard Nousveaux (1811 – 1867)
- Portrait d’Anna d’Égrigny, petite fille du marquis de Boufflers, signare de Gorée (légende au verso)
- vers 1842
- Crayon graphite, aquarelle et gouache sur papier
- 70.2019.2.1
Le chevalier de Boufflers (1738-1815), gouverneur du Sénégal en 1786, prit pour compagne Anne Pépin (1747-1837), l’une des signares les plus célèbres. Le modèle représenté, identifié au verso comme sa petite fille, est vêtu avec faste d’une robe de toile de coton surmontée d’un grand châle brodé. Elle est parée d’étincelants pendants d’oreilles en or et la tête ceinte d’un foulard savamment noué en tiare.