Vous avez dit « fil d’or » ?

Regards croisés de spécialistes textiles

Contenu

Les vêtements présentés dans cet espace ont pour point commun un élément de composition majeur : le « fil d’or ».

Que désigne cette appellation ? Évoquant l’éclat de l’or, elle couvre en réalité un vaste éventail de formes et de matières. Deux techniques d’emploi sont ici montrées en miroir : la broderie et le tissage. Le costume brodé de Tunisie est présenté sous l’angle spécifique de la restauration du patrimoine. Les deux ceintures tissées du Maroc lui faisant face sont abordées selon une étude technique des procédés de fabrication.

Cet accrochage inédit propose de mettre en avant le travail scientifique porté par le pôle Conservation, Restauration, Analyses du musée du quai Branly - Jacques Chirac.

L'espace en images

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Les vêtements présentés dans cet espace ont pour point commun un élément de composition majeur : le « fil d’or ».

Regards sur la conservation-restauration

Costume d’enfant

À partir du 16e siècle, Tunis accueille l'influence des styles ottomans dans la mode et la broderie. Au 19e siècle, sous le protectorat français, des formes européennes émergent. Les techniques de broderie à fils métalliques, avec sequins et cannetilles, se diversifient. Cet ensemble brodé, au décor végétal et fleuri, était porté par un jeune garçon musulman, le jour de sa circoncision.

  • Tunis, Tunisie
  • Fin du 19e siècle
  • Lames d’argent et de cuivre brodées, sequins et cannetilles brodés, doublure et triplure en toile de coton, doublure en satin de soie
  • 70.2019.48.1.1-3

Le traitement des fils métalliques

Le terme « fil d’or » est souvent utilisé de manière incorrecte pour désigner des décors métalliques sur les textiles. L’or est un métal coûteux et peut être remplacé ou accompagné d'autres métaux comme l'argent ou le cuivre, parfois pour des raisons esthétiques. Ces métaux, moins précieux, réagissent à l'oxygène et au soufre, ce qui altère leur apparence : l'argent se ternit et noircit, tandis que le cuivre peut présenter des corrosions vertes ou brunes. Ces changements entraînent une perte de brillance, affectant l'aspect des textiles.

Contrairement aux objets entièrement métalliques, les textiles composites sont plus difficiles à nettoyer, car les produits chimiques nécessaires pour le traitement des fils métalliques peuvent endommager les fibres fragiles des textiles. De nouvelles méthodes de nettoyage apparues ces dernières années, telles que les gels ou le pinceau électrolytique, permettent un traitement ciblé qui préserve les textiles environnants.

La consolidation des textiles patrimoniaux

La consolidation des textiles avec des fils métalliques suit un processus similaire à celui des autres textiles. Lorsque l’étoffe est fragilisée par des déchirures, elle est stabilisée en cousant au revers un tissu neuf teint en harmonie. Les points, réalisés avec un fil de soie fin, permettent de réaligner les fils cassés et désorganisés, y compris les métalliques. Pour les pièces les plus fragiles, un tissu transparent peut être ajouté comme voile de protection afin de préserver la lisibilité de l’œuvre tout en la protégeant.

 

Regards sur l’étude technique et l’analyse

Fragments de ceintures

Entre le 16e et le 19e siècle, les habitants de Fès étaient réputés pour leur sens de la mode. Par-dessus leurs caftans, les femmes de haut rang portaient des ceintures tissées en soie et en fils métalliques dorés. Ces accessoires étaient décorés de motifs géométriques et végétaux, ainsi que de symboles protecteurs, comme les mains khamsa et les étoiles à huit branches

  • Fès, Maroc
  • Fin du 16e siècle
  • Soie, filé doré (présence majoritaire d’argent, puis d’or et de cuivre), tissage lampas en armure sergé
  • 74.1962.2.1
  • Fès, Maroc
  • 18e siècle
  • Soie, filé doré (présence majoritaire de cuivre, puis d’argent et d’or), tissage lampas en armure sergé
  • 74.1962.2.4

 

Des tissus nommés lampas

Les deux ceintures présentent des motifs dorés qui contrastent avec leurs fonds unis et colorés. Ces tissus appelés lampas ont la particularité d’articuler, dans le sens de la hauteur, deux groupes de fils aux rôles structurellement différents : le premier maintient le décor et le second colore le fond. Il existe une grande variété de lampas. L’examen des fils qui lient les motifs montrent des points d’attache, dessinant des lignes en diagonale, une des caractéristiques d’un tissage dit « en sergé ». Ces textiles entrent donc dans la catégorie des lampas en armure sergé.

Fils d’or ? Filés dorés ?

Bien que l’appellation « fils d’or » soit usuellement employée, les fils en or sont en réalité plutôt exceptionnels. Lames, cannetilles, sequins et filés dorés sont plus communément adoptés, chacun avec leurs spécificités. Par exemple, les filés se caractérisent par une lame qui est enroulée autour d’un fil de soie ou de coton. Ils peuvent être fabriqués à partir d’un support organique, comme le papier, ou bien métallique tel que le cuivre, l’or ou l’argent.

 

Le travail d’analyse

Pour mieux appréhender la matérialité de ces pièces, différents outils analytiques ont été employés. Des microscopes ont d’abord permis de caractériser les techniques de tissage, puis dans un second temps d’observer la structure des filés métalliques, à plus petite échelle. Une analyse de microfragments (~8 mm de longueur) par microscopie électronique couplée à la spectroscopie des rayons X a révélé la composition chimique des décors métalliques.