Séance 1 - L'anthropologie visuelle des années 50 : "Les Nomades du soleil" de Henry Brandt et "Bataille sur le grand fleuve" de Jean Rouch. Séance dans le cadre de "Replay ! Dakar 66".
Présenté par Monica Heintz, enseignante-chercheuse au département d’anthropologie, univ. Paris Nanterre et Grégoire Mayor, co-directeur au Musée d'ethnographie de Neuchâtel.
Le cinéma et l’anthropologie entretiennent des rapports mouvementés mais anciens, constants, renouvelés. Le film anthropologique semble apparaitre peu de temps après les débuts du cinéma avant d’être disqualifié par les ethnologues qui voient dans la caméra un instrument déformant. Il faut attendre les années 50 pour que l’anthropologie visuelle trouve pleinement sa place dans les démarches scientifiques de musées d’ethnographie comme le musée de Neuchâtel ou celles d’ethnologues comme Jean Rouch qui invente une forme propre, le cinéma-vérité ou cinéma direct. Les deux films programmés pour évoquer cette période de l’anthropologie visuelle s’attachent à la capture de mode de vies et de pratiques rurales, nomades, traditionnelles. Les cinéastes sont alors occidentaux et leurs regards se posent sur la disparition de mondes que leurs ancêtres ont colonisés. Ils veulent enregistrer la mémoire du monde.
LeS nomades du soleil, un film de henry brandt
france, niger, 1953-1954, 44 min - documentaire, VOFR, couleur
Ce film a été réalisé entre 1953 et 1954 au Niger, alors rattachée à l’Afrique Occidentale Française sur l’impulsion du Musée d’ethnographie de Neuchatel, alors dirigé par Jean Gabus, dans le cadre d’une expédition ethnographique, la 8ème de cette nature envoyée en Afrique. Sa spécificité est de porter un intérêt particulier à l’audiovisuel. Henry Brandt part avec deux caméras 16 mm, trois appareils photographiques et un enregistreur sonore Nagra. En utilisant ces appareils et ces médias, Le film tourné à l’occasion de cette mission démontre la volonté de Gabus et de Brandt de s’inscrire dans « l’ethnographie moderne ». La copie originale est conservée par le musée d’ethnographie de Neuchâtel et a fait l’objet d’une numérisation dans le cadre du programme suisse de sauvegarde des films. La version de 60mn n’ayant pas pu être sauvée et numérisée, c’est la version de 44mn établit en 1987 par le réalisateur que la Cinémathèque suisse a numérisée et restaurée, avec le soutien de Memoriav.
Henry Brandt, figure majeure du cinéma et de la photographie suisse des années 1920 à 1980, réalise ce qui semble être le premier film captant la vie des Peuls Bororo ou Wodaabe, éleveurs nomades du Niger. Le réalisateur s’intéresse à leur vie quotidienne au cours de deux saisons : la sécheresse et la saison des pluies, très marquée par une série de rituels. Les principaux rituels se développent lors du « temps de l’herbe verte ». La préparation et le déroulement de la fête annuelle de la Guérewol sont captés avec soin par le réalisateur. Il s’agit d’un rituel pré-nuptial de plusieurs jours où les hommes, parés de bijoux et maquillés, s’adonnent à des chants et des danses sous le regard des leurs prétendantes et des membres de la communauté. Selon le catalogue des films ethnographiques sur l’Afrique noire (Unesco, 1967, p. 228) : « Sur ce sujet passionnant, Henry Brandt a réalisé un des chefs-d’œuvre du cinéma africain. ». Mais « en décrivant les Peuls Wodaabe comme une société simple mais heureuse, hors du temps, fière et pourtant fragile, le Neuchâtelois s’inscrit dans une approche rousseauiste qui ne tient pas compte de la situation coloniale. Il fige les Wodaabe dans un monde idéalisé qu’il oppose à la société de consommation qu’il rejettera toute sa vie. Avec son film et le livre qui lui est associé, il invente ainsi ses propres « nomades du soleil ».
Récompense : Prix de la section « Revue du film Ethnographique » sous l’égide de l’Unesco et en collaboration avec le Musée de l’Homme, au festival de Locarno édition 1955
- Distributeur de la copie : Cinémathèque Suisse
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bataille sur le grand fleuve, un film de Jean rouch
france, niger, 1951, 33 min – documentaire, VOFR, couleur
Vingt-et-un pêcheurs sorko des îles de Firgoun, Ayorou et Koutougou vont livrer une grande bataille sur le fleuve Niger, pour chasser des hippopotames. Ils construisent une grande pirogue capable de résister aux assauts des hippopotames ces animaux puissants et fabriquent des harpons à flotteurs et des armes pour la chasse. Les pêcheurs se réunissent pour demander aux dieux l'autorisation de tuer les hippopotames. Les pêcheurs installés dans la grande pirogue et huit plus petites attaquent et tuent d'abord une femelle puis un jeune hippopotame. Ils repèrent un mâle et de nouveaux préparatifs de combat les occupent alors. La bataille qui survient est terrible. L'hippopotame brise une petite pirogue, charge la grande, qui coule. Elle est réparée et remise à l'eau pour que la poursuite reprenne. Elle durera plusieurs jours.
Le film Bataille sur le grand fleuve est tourné de janvier à juin 1951. Jean Rouch cherche à collecter des documents ethnographiques sur une chasse à l’hippopotame, sujet traité cinq ans auparavant dans Au pays des mages noirs, son premier film. On voit là apparaitre le premier thème répétitif du cinéma de Jean Rouch. Dans ce film, il commence à transgresser les codes établis de la réalisation de films ethnographiques pour jeter les bases du cinéma direct, basé sur l’échange et l’apport de la rencontre avec les personnes filmées.
Le CNRS Images conserve et distribue les copies de ce film en collaboration avec le Comité du Film Ethnographique qui en gère les droits reçus en héritage par Jean Rouch, initiateur du CFE et de son festival en 1982.
- Images : Christian Lacoste
- Montage : Renée Lichtig
- Son : Roger Rosfelder
- Distributeur de la copie : CNRS Images
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Gratuit (dans la limite des places disponibles)
- Lieu : Salle de cinéma
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Dates :
Le vendredi 24 septembre 2021 de 14:30 à 17:00 -
Accessibilité :
- Handicap auditif bim (T),
- Handicap moteur
- Public : Tous publics
- Categorie : Cinéma (dans le cadre d'un cycle)
- Dans le cadre de : Regards sur la sélection de Dakar 1966