Religiosité féminine ludique, inventive et solidaire, le debaa mahorais accorde une importance capitale à la créativité féminine. Réservé exclusivement aux femmes, le debaa est un art musical et chorégraphique inspiré des pratiques soufies.
 
La forme performative actuelle s'est développée à partir des années 1960. Ce chant dansé et partagé a connu en effet une évolution historique grâce aux initiatives individuelles et créatives de certaines maîtresses coraniques. Ces initiatives ont été stimulées à la fois par le rôle important des femmes dans le processus de départementalisation de Mayotte et par la nécessité de sauvegarder la moralité des filles conformément aux coutumes traditionnelles dans une société en pleine mutation. À travers le debaa, les femmes ont trouvé une sorte d’arène où elles expriment leur convivialité ainsi que leurs rivalités pour le prestige personnel et familial.
 
Elena Bertuzzi, anthropologue et chorégraphe italienne, s’est immergée dans la pratique et l’étude du debaa pendant neuf neuf années qui lui ont permis de rédiger une thèse, récompensée par le prix Rémy Leveau du Bureau Central des Cultes du ministère de l’Intérieur, de créer des installations multimédia et de réaliser des films qui ont contribués à faire connaitre cette sociabilité féminine, imprégné de spiritualité, si singulière. La méthodologie de recherche d'Elena se fonde sur une observation "corporellement" participante et sur l'analyse des propriétés formelles de la danse. Cette implication personnelle lui permet de détecter des éléments corporels qui peuvent paraître anodins et éphémères - la qualité d’un toucher, la direction d’un geste, d’un regard - mais qui sont d'une importance majeure pour la structuration des relations sociales.

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