Après le succès de la première saison, BLEU INDIGO, jazz au musée se poursuit ce trimestre sous le signe des hybridations entre jazz et musiques du monde, avec des rencontres inédites entre musiciens, la présentation d’artistes de jazz qui ont depuis longtemps travaillé sur les musiques extra-européennes, et les résonances africaines et asiatiques d’une New World Music.
à propos du concert
Benoît Delbecq, pianiste compositeur et musicien improvisateur, ne cesse, depuis plus d’une vingtaine d’années, de traverser le champ jazzistique dans toute sa largeur : de l’improbable Institute for Artistic and Cultural Perception (IACP) d’Alan Silva à son propre intenable collectif, Hask, des études suivies auprès de Steve Coleman ou Muhal Richard Abrams aux recherches menées avec Guillaume Orti ou Steve Argüelles, en passant par la fréquentation de Steve Lacy ou de Mal Waldron. Le champ jazzistique et au-delà, quand on le sait à l’écoute attentive des polyphonies des pygmées Aka comme de celles ourdies ou orchestrées par György Ligeti, lancé dans l’exploration des possibilités de l’électro-acoustique, et en la compagnie de quelques auteurs de l’incertitude tels Olivier Cadiot, Marcelline Delbecq ou feu Julio Cortázar, tous adeptes des jeux de marelle entre sons et significations. Superposant d’étincelantes cellules mélodicorythmiques
dans son jeu de piano, Delbecq a l’art et la manière d’utiliser les signes d’une ponctuation bancale, claudicante, pour que s’entrechoquent ses phrases, pour recréer un langage commun et différent.
Alors la table d’harmonie de son instrument devient une table d’orientation ou de désorientation.
Et pourtant, lorsqu’il forme en 2008 son nouvel hypnotique trio, tout de grâces capitonnées et d’imperceptible décalages, de jeu et d’invention résolument collectifs (polyphoniques, polyrythmiques, polymorphiques, travaillant comme nul autre la limpidité et
l’enchevêtrement), avec Jean-Jacques Avenel, l’historique contrebassiste de Lacy et un joueur de kora dans l’âme, et avec le batteur Émile Biayenda, venu de Brazzaville, l’aventure du trio piano-basse-batterie n’a jamais été dans ses moeurs – c’était une « formule paradoxalement inédite pour moi alors et pour laquelle je n’avais jamais éprouvé de fascination particulière, malgré une certaine mythologie s’y rapportant. Jean- Jacques, le « lion » (« Waraba ») comme l’ont baptisé ses amis mandingues, m’avait fait l’honneur de rejoindre mon quintette. Et la précieuse rencontre avec Émile et sa tradition musicale avait eu lieu en 1994, au cours d’une tournée mémorable de quatre semaines dans six pays d’Afrique centrale et australe du groupe Jazz Mic Mac, avec Serge Adam et André NKouaga. Dès les premières répétitions de mes nouvelles compositions, j’ai eu la vive sensation que l’idée de cette musique à trois dimensions d’humanité allait au-delà de mes espérances de son collectif, fait de tissus de rythmes colorés. C’est le singulier savoir-faire et l’enthousiasme de Jean-Jacques et Émile, qui figurent parmi mes pères en musique, qui ont permis à mes compositions de trouver une incarnation pleine et heureuse. »
Et c’est précisément Émile Biayenda, initié aux traditions percussives du Congo et alentour, qui servira de pivot à la soirée, avec ses deux amis européens d’abord, puis en trio décidément afro-américain avec le saxophoniste David Boykin et le contrebassiste (mais aussi joueur de guembri dans l’âme) Josh Abrams, venus de Chicago. Aussi parce que Benoît Delbecq est coutumier
du fait, des collaborations internationales, d’Evan Parker à Han Bennink en passant par Arve Henriks en côté européen, de Mark Turner à Andy Milne en passant par John Hébert côté américain. Et que sa musique captivante ne saurait que réserver le meilleur sort au ténor tremblé ou à rebours de Boykin, jouant parfois comme s’il rembobinait ses solos, lesquels se gonflent et se voûtent, couverts de ratures et de surcharges, et à la contrebasse impavide ou intempestive
d’Abrams (habitué des ensembles les plus contemporains de sa ville ou des formations les plus intemporelles, tels Town & Country ou la Natural Information Society). Comment les cinq musiciens des deux trios réussiront enfin à s’emboîter et à renforcer l’aspect composite / cosmopolite de leur association, de leur triangulation Afrique / Europe / Amérique, reste à découvrir sur scène.
- Durée : 01:30
- Lieu : Théâtre Claude Lévi-Strauss
-
Dates :
Le samedi 10 mars 2012 à partir de 18:00 -
Accessibilité :
- Handicap auditif bim (T),
- Handicap moteur
- Public : Handicap auditif (Boucle à induction magnétique), Handicap moteur, Tous publics
- Categorie : Concerts
- Dans le cadre de : Jazz Bleu Indigo 2011-2012