Après le succès de la première saison, BLEU INDIGO, jazz au musée se poursuit ce trimestre sous le signe des hybridations entre jazz et musiques du monde, avec des rencontres inédites entre musiciens, la présentation d’artistes de jazz qui ont depuis longtemps travaillé sur les musiques extra-européennes, et les résonances africaines et asiatiques d’une New World Music.
à propos du concert
Un carrousel, un palais de glaces. Souvent, la musique de Joe Morris est labyrinthique, ou limoneuse : des semblants de mélodies se reflètent sur la surface d’une improvisation toujours déjà commencée, s’étendent et se troublent, se perdent. Il y a, dans le jeu giratoire de Morris à la guitare à hélices, à la guitare sèche comme un sous-bois l’été, sous les basses branches et sous les racines aériennes, de fines et cassantes aiguilles de sons projetées dans toutes les directions.
Un nuage de lumière se soulève de la musique buissonneuse et buissonnière, couverte de cristallisations. « J’ai cherché l’inspiration du côté des musiciens des années 20, qui n’avaient qu’un accès limité à l’information et n’avaient d’autre choix que d’aller de l’avant, de faire ce qu’il avaient envie de faire, que ce fût « correct » ou pas, à partir de qui ils étaient et de ce dont ils disposaient. Mon oncle, Johnny Morris, a fait partie de ces gens-là, de ceux qui se sont aventurés : il s’est produit à New York dans les années 20 avec Bix Beiderbecke, Benny Goodman, EddieLang ou
Adrian Rollini. À ce propos, j’appelle tout ce que je fais « Free Music ». Libre à moi de tracer mon chemin, de déterminer les objectifs et de mesurer si je les ai remplis. Je pense que ce nom s’applique aussi très bien à tout ce qu’il y a d’original dans ce que l’on appelle le jazz. »
En apparence, cette « batte de lave » (jeu de mots à partir de « hot club ») reprend l’instrumentation du notoire quintette du Hot Club de France, imaginé en 1934 par Django Reinhardt et StéphaneGrappelli. À ceci près que « l’hommage » ici rendu l’est par un improvisateur américain formé à l’écoute des joueurs de guitare du blues (particulièrement Blind Lemon Jefferson), des joueurs de kora des musiques ouest-africaines(particulièrement Alhaji Bai Konte) et des joueurs de cordes détraquées de l’improvisation libre non idiomatique (particulièrement Derek Bailey).
Avec près de cent ans de références musicales supplémentaires, de Mauricio Kagel à Sun Ra, et
d’Anthony Braxton à Iannis Xenaxis. Avec surtout le Prime Time d’OrnetteColeman en tête, Joe
Morris s’est entouré de plusieurs anciens élèves, dont Mary Halvorson, laquelle défraie actuellement la chronique new-yorkaise, et de la virtuose violoniste tunisienne Yasmine Azaiez. Si la musique jouée par Reinhardt et Grappelli peut être considérée comme l’une des premières réinventions « à base de jazz », Lava Bat ne copie pas l’original mais s’inspire de son esprit combinatoire pour jongler avec d’autres paramètres, pour continuer d’extrapoler une « polyphonic
free swing music ». « La plate-forme du quintette du Hot Club de France est complètement sousutilisée. Ou alors elle ne sert qu’à reproduire strictement l’original, selon moi en pure perte. Or,
de même que l’orchestre symphonique et que le groupe de rock à deux guitares représentent des plate-formes instrumentales disponibles pour différents usages, ou que la formation de jazz avec instruments à vent, piano, contrebasse et batterie a constitué une matrice pour refaçonner la musique depuis les années 30, cette plate-forme-là, trois guitares acoustiques, contrebasse et violon, peut être maintenant utilisée pour défendre une musique restructurée. »
Une musique maillée, sinueuse, sans commis des rythmes, ou alors sont-ils répartis librement
entre les rouets et les rabots d’un seul monstrueux instrument à vingt-six cordes, qui dénoue et renoue constamment le fil des histoires racontées ; une musique qui ne serait pas goudronnée, qui n’aurait que l’assurance du ciel et le parfum des perturbations. Et si l’articulation est un critère discriminant chez les guitaristes, celle de Joe Morris, torsadée et paradoxale, parsème d’accords épineux, urticants, de pelotes de notes, tous les sillages d’un quintette en éventail, aux imprévisibles variations de débit.
- Durée : 01:30
- Lieu : Théâtre Claude Lévi-Strauss
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Dates :
Le samedi 26 novembre 2011 à partir de 18:00 -
Accessibilité :
- Handicap auditif bim (T),
- Handicap moteur
- Public : Handicap auditif (Boucle à induction magnétique), Handicap moteur, Tous publics
- Categorie : Concerts
- Dans le cadre de : Jazz Bleu Indigo 2011-2012