À Louqsor et ses environs, de nombreux mawālid (fêtes de saints) se tiennent durant le mois qui précède ramadan. Chacune de ces fêtes représente une occasion privilégiée pour les hommes du Ṣaʿīd – la Haute-Égypte – de se réunir en fin d’après-midi et dans la nuit pour jouer au taḥṭīb, le « jeu du bâton ». Plus qu’un jeu, le taḥṭīb a une portée éminemment chorégraphique, ce qui l’amène à être désigné parfois en arabe par l’expression « danse du bâton ». La présence indispensable d’instruments de musique entérine l’aspect dansé du jeu : le taḥṭīb peut difficilement avoir lieu sans mizmar (instrument à anche double) et sans ṭabla baladi (gros tambour à deux membranes). Indissociable de l’identité du Ṣaʿīd – la pratique comme les musiques ne se transmettraient qu’entre « fils de Haute-Égypte » (ibn el-Ṣaʿīd) –, et exclusivement masculin, le taḥṭīb est un sport empreint de valeurs morales, où l’on fait démonstration de force, de ruse et d’habileté.

À l’occasion de cette conférence, Séverine Gabry-Thienpont présentera les enquêtes ethnographiques qu’elle a menées ces quatre dernières années en Haute-Égypte, particulièrement lors de ces fêtes de saints. Elle reviendra sur l’histoire admise du taḥṭīb, qui a contribué à son inscription au patrimoine culturel immatériel de l’Unesco en décembre 2016, et qui est avant tout le fruit de spéculations sur sa filiation avec l’Égypte antique. Enfin, ce sont les récents développements liés à cette pratique et inhérents à sa reconnaissance en tant que patrimoine, qui seront abordés.

SEVERINE GABRY-THIENPONT

Séverine Gabry-Thienpont est titulaire d’un doctorat en ethnomusicologie de l’université de Paris X. Ses recherches interrogent la notion de ‘tradition’ au sein des manifestations musicales associées au religieux et à la religiosité égyptienne, et proposent d’établir une anthropologie musicale et sonore de l’Égypte, du XIXe siècle à nos jours. Ancien membre scientifique de l’Institut Français d’archéologie orientale du Caire (IFAO), elle est actuellement chercheuse associée CREM-LESC (Centre de recherche en ethnomusicologie- Laboratoire d’ethnologie et de sociologie comparative UMR 7186).