Giai Dieu #57. X
- Musique traditionnelle du Nord-Vietnam.
Rencontrées lors des Siestes électroniques au Vietnam (octobre 2013), ce trio de jeunes femmes, Nguyễn Thùy Dung, Nguyễn Thu Thủy et Nguyễn Thùy Chi, interprètent du ca trù avec une modernité radicale, comme si c’était à la fois le premier et dernier concert de leur vie. Poésie traditionnelle chantée du Nord-Vietnam, le ca trù est devenu une sorte de musique pour colons sous l’Indochine française. Il renaît aujourd’hui de ses cendres et est considéré par l’Unesco comme un art nécessitant une sauvegarde urgente.
Les scènes musicales d'aujourd'hui au Vietnam
Découvrez un webdoc consacré aux nouvelles scènes musicales vietnamiennes proposé par l'Institut Français dans le cadre de l’année France-Vietnam, Nam Viet Nam Phap 2013-2014.
Le ca trù
Le ca trù (prononcez "ka tchou") est un genre musical de divertissement spécifiquement nord-vietnamien joué dans les salons lors de sessions informelles pendant lesquelles on se retrouve pour discuter et boire de l'alcool de riz. Lent et austère, il comporte des modes, des rythmes et des ornements codifiés. Sa forme embryonnaire daterait de la dynastie Ly (1009-1225) mais l'ensemble que l'on connaît aujourd'hui date de la fin du XVIIIe siècle. Le chant qui donne la mélodie ne peut être exécuté que par une femme. Celle-ci déclame des poèmes d'amour, d'ambition ou de pessimisme grâce à une technique originale de vibrato (dô hôt) qui cherche à imiter le son des perles qui tombent sur une table. Elle ponctue son chant avec le phach, une lame de bambou posée au sol et frappée avec deux bâtonnets.
Le chant est accompagné par un joueur masculin de dàn day, un luth à trois cordes, une caisse trapézoïdal et un long manche comportant des frettes très hautes. L'orchestre est complété par un auditeur-poète qui joue du trông châu, un petit tambour à deux peaux frappé avec une baguette. Ce dernier marque la structure du morceau tout en donnant son avis sur la performance grâce à des formules rythmiques stéréotypées. Ainsi, il peut hâter le commencement du concert, féliciter la chanteuse ou encore la renvoyer si elle ne lui convient pas.
À chaque coup de tambour marquant un mot ou un passage particulièrement bien exécuté, on donnait traditionnellement à la chanteuse une lamelle de bambou portant des idéogrammes (trù). À la fin de la séance, la chanteuse et ses musiciens échangeaient ces lamelles contre de l'argent au taux préalablement fixé à deux ou trois pièces par lamelle. Parce qu'il a été souvent joué dans les maisons closes sous la monarchie, le ca trù est marginalisé et tombe en désuétude après la révolution communiste menée par Ho Chi Minh en 1945. Ceci avant d'être ressuscité dans les années 1970 grâce à certains ethnomusicologues et de nouveaux clubs d'Hanoi qui encouragent les jeunes à apprendre ces chants.
Un disque
- Vietnam/Ca Tru and Quan Ho, éd. Unesco Collection/Auvidis - Musiques & Musiciens du Monde (1991, 1ère édition 1978).
Publié pour la première fois en 1978 par l'Unesco, il s'agit du premier disque sur la musique traditionnelle du Vietnam publié en Occident. Enregistré par l'ethnomusicologue Trân Van Khê en 1976, ce disque est remarquable par l'authenticité des documents et par le niveau élevé des artistes parmi laquelle la chanteuse Quach Thi Hô.
Il présente les morceaux dans l'ordre du déroulement d'une séance traditionnelle et donne à entendre un répertoire allant des pièces anciennes jusqu'à des pièces de style ancien mais avec des poèmes d'actualité. Le disque comporte aussi des enregistrements de quan ho, un chant alterné spécifique à la province de Bac Ninh et pratiqué par les garçons et les filles au retour du printemps ou par les nuits de pleine lune.
Un livre
Dans cet ouvrage, Trân Van Khê propose la première analyse ethnomusicologique de différents genres musicaux vietnamiens parmi lesquels la musique de chambre du sud, le nhac tai tu, des genres affiliés du Vietnam central ainsi que des genres régionaux comme le ca trù.
Un Article à consulter
- Singing the Past: Vietnamese Ca Tru, Memory, and Mode de Barley Norton. Publié dans Asian Music, Vol. 36, No. 2 (Summer - Autumn, 2005), pp. 27-56.
Joakim & Kindness, pop viciée à quatre main, France & Royaume-Uni
Kindness, c’est de la musique pour ceux qui ont usé jusqu’à la corde le rock et ses guitares, qui sont revenus de la minimale de Berlin, qui aiment la soul mais avant 1978 et qui écoutent du hip-hop en cachette.
L'univers musical de Joakim est également large et englobe des styles allant de l'indie rock à la disco la plus obscure, le heavy metal, la musique africaine, l'acid house ou même la musique classique. Collectionneur de disques invétéré, Joakim a une approche amoureuse et encyclopédique de la musique.
John Blacking, l'oncle d'afrique
Adam Bainbridge alias Kindness est le neveu du célèbre ethnomusicologue anglais John Blacking (1928-1990). Pianiste de formation et élève de l'anthropologue Meyer Fortes, il se distingue dès les années 1950 en étant le premier à appliquer à l'étude de la musique les enseignements de Bronislaw Malinowski qui préconisait à travers le concept de l'observation participante l'ethnographie détaillée des populations étudiées.
Il se démarque des grands collecteurs du début du XXe siècle, qui restaient peu auprès des musiciens qu'ils enregistraient, en affirmant la nécessité d'un contact prolongé pour participer à la vie musicale du groupe social étudié et connaître la langue, la structure sociale et le contexte culturel qui la sous-tendent. En 1956, il entame ainsi un travail de terrain intensif de vingt-deux mois chez les Venda, une population qui vit dans une région montagneuse en Afrique du sud, près de la frontière avec le Zimbabwé, et qui compte aujourd’hui plus d'1 million de membres. Il apprend les chansons enfantines, joue dans les ensembles de tambours et de flutes et s'exerce aux pas de danse. C'est dans cette expérience qu'il a puisé l'essentiel de la démonstration de son ouvrage le plus connu, How musical is man ?, traduit en français par Le sens musical.
Dans la société venda, une part importante des individus est capable de chanter et de jouer un instrument, ceci dès l'enfance, contrairement aux sociétés industrielles hiérarchisées dans lesquelles la majorité est exclue de la pratique musicale. Chez les Venda, elle est le ciment de la cohérence du groupe et des échanges entre ses membres, notamment à l'occasion des temps forts du calendrier (fêtes de lignage, initiation des jeunes). Le développement des aptitudes musicales ou son absence dépendent donc des fonctions occupées par la musique dans la société.
Ce constat permet à Blacking de développer la thèse suivante : "Si l’on veut estimer la valeur de la musique dans la société et la culture, il faut la décrire eu égard aux attitudes et aux processus cognitifs qu’implique sa création et aux fonctions et effets du produit musical dans la société. Il s’ensuit qu’il devrait y avoir des rapports structuraux étroits entre la fonction, le contenu et la forme de la musique."
Ainsi, la musique que Blacking décrit comme du « son humainement organisé » apparaît comme un tout en relation structurale avec toutes les autres composantes de la société étudiée. Cet ouvrage facile à lire et à recommander à tous les mélomanes dépasse le cadre strict de l'ethnomusicologie par sa proposition pragmatique, humaniste et optimiste. Selon Blacking, la musique facilite la communication entre les individus et suscite le meilleur d’eux-mêmes. "Si nous en apprenons davantage sur la complexité automatique du corps humain, nous serons peut-être en mesure de prouver d’une manière concluante que tous les hommes naissent munis de grandes possibilités intellectuelles, ou au moins d’un très haut niveau de compétence cognitive et que la source de la créativité culturelle est la conscience qui naît de l’activité sociale commune et des échanges d’amour."
Pour aller plus loin
Les ouvrages suivants de John Blacking peuvent être consultés à la médiathèque :
Deux disques sont également disponibles :
Ce dernier opus, publié en 1962, présente la culture musicale des Nsenga, un peuple bantou de Zambie, des chansons à boire jusqu'aux chants de travail en passant par les berceuses.