Le 10 janv. 2018

Duchamp, la peinture même ?

Par Cécile Debray

Le cycle des Grandes Révoltes est heureusement interminable, tant la révolte est permanente. Cette année, Marcel Duchamp, Richard Wagner pour évoquer les avant-gardes ; et la marche des droits civiques aux USA, rappel qui ne peut pas faire de mal.

On a beaucoup glosé sur la rupture de Marcel Duchamp avec la peinture, mettant en avant, tel un leurre, le traumatisme psychologique originel causé par le rejet de son Nu descendant un escalier du Salon des Indépendants de 1911 par ses amis et frères cubistes. À la lumière des quelques gestes iconoclastes dadaïstes et de l’invention du ready-made– contrepoint pourtant intelligible de son projet de reformuler la peinture –, le créateur de Fountain, la « fontaine pissotière», est généralement perçu comme celui qui a tué la peinture.

La Mariée mise à nu par ses célibataires même, son Grand Verre, œuvre hermétique à la genèse longue, de 1912 à 1923, complexe - comme  le montre sa paraphrase en notules - et laissé inachevé en 1923, occupe dans ce débat un statut ambigu. On peut y lire tout à la fois la négation et la sublimation de la peinture à travers un tableau impossible.

La découverte, après la disparition de Marcel Duchamp, en 1968, de sa dernière œuvre Etant donnés 1° la chute d’eau 2° le gaz d’éclairage, préparée dans le secret pendant 20 ans (1946-1966) et dont le titre repris d’une des plus anciennes notes de la Boîte verte affirme clairement le lien avec le Grand Verre et sa thématique, brouille définitivement l’image d’un Duchamp iconoclaste.

Ainsi les œuvres tardives  telles que la série de moulages érotiques ou de gravures d’après les Maîtres (Prière de toucher, 1947 ; Feuille de vigne femelle, 1950 ; Objet dard, 1951 ; Coin de chasteté, 1954 ; Morceaux choisis, 1968) appartiennent à la genèse lente d’Etant donnés. Cette cohérence obsessionnelle se lit dès les débuts de peintre de Duchamp. C’est en cherchant à réinventer la peinture, qu’il a construit son parcours artistique fait de recherches approfondies et de doutes, d’engagements entiers quasi romantiques et de rejets dégoûtés. Robert Lebel voyait dans la dernière œuvre de Duchamp, une sorte de « chef d’œuvre inconnu » (L’œil, mars 1970).

Cécile Debray est, depuis mai 2017, directrice du Musée de l’Orangerie.
De 2008 à 2017, elle a été conservateur en chef du patrimoine, en charge des collections modernes au Musée national d’Art moderne / Centre Pompidou (Paris) depuis 2008.

Commissaire de plusieurs grandes expositions internationales : La Section d’or, 1912-1920 et 1925, 2000 ; Le Nouveau Réalisme (Paris, Grand Palais; Hannover, Sprengel Museum, 2007) ; Elles@Centrepompidou, 2009 (Paris, Centre Pompidou, 2009/2011 ; Seattle, SAM, 2012/13 ; Rio, CCBB, 2013) ; Lucian Freud. L’atelier (Paris, Centre Pompidou, 2010) ; Matisse, Cézanne, Picasso… L’aventure des Stein / The Steins collect (San Francisco, SFMoMA ; Paris, Grand Palais, 2011 ; New York, MET, 2012) ; Matisse. Paires et séries / Matisse. In search of true painting (Paris, Centre Pompidou, 2012 ; Copenhague SMK ; New York, MET 2013) ; Marcel Duchamp. La peinture même (Paris, Centre Pompidou, 2014) ; rétrospective Balthus (Rome, Scudiere dell Quirinal, Villa Medicis, Rome 2015 ; Vienne, Kunstforum, 2016) ; Francis Bacon / Bruce Nauman. Face à face au Musée Fabre de Montpellier (juin-octobre 2017)

Outre sa participation à plusieurs jurys d’écoles et de concours artistiques, elle assure le commissariat du festival annuel parisien Viva Villa ! qui réunit les travaux des artistes en résidences artistiques de l’Etat : Villa Medicis, Villa Kujoyama et Casa de Velázquez.
Historienne d’art, elle enseigne à l’Ecole du Louvre et a publié plusieurs ouvrages sur les avant-gardes historiques (récemment, Le Fauvisme, Paris, Editions Citadelles Mazenod, 2014, 415 p.) et sur la peinture moderne et contemporaine (Picasso, La Fresnaye, les Italiens de Paris, Lucian Freud, Matisse, Peter Saul, Gilles Aillaud, Balthus…).

Elle est commissaire de l’exposition Derain, 1904-1914, la décennie radicale (Centre Pompidou, octobre 2017- janvier 2018) et de Dada Africa. Sources et influences extra-occidentales (Musée de l’Orangerie, octobre 2017- février 2018).

  • Gratuit (dans la limite des places disponibles)

  • Durée :  01:30
  • Lieu :  Théâtre Claude Lévi-Strauss
  • Dates :
    Le mercredi 10 janvier 2018 de 18:30 à 20:00
  • Accessibilité :
    • Handicap auditif bim (T),
    • Handicap moteur
  • Public : Tous publics
  • Categorie : Les Grandes Révoltes

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