L’ambition du colloque est de rappeler le rôle crucial joué par Paul Rivet et ses équipes pour la discipline anthropologique : institutionnalisation de l’ethnologie à travers la création de l’Institut d’Ethnologie et réorganisation du musée d’Ethnographie du Trocadéro, qu’il dirige avec Georges Henri Rivière à partir du printemps 1928 ; fondation du musée de l’Homme, inauguré en 1938 ; direction de l’Institut ethnologique national colombien créé à son intention en mai 1941 ; professionnalisation des premières générations d’ethnologues français et colombiens ; modernisation des méthodes muséales et innovations dans la diffusion des connaissances anthropologiques, etc. Plus que d’une réflexion sur la biographie de Paul Rivet, il s’agit d’insister sur un temps fort de l’organisation de l’ethnologie dont il fut la cheville ouvrière et qui a résonné si fortement dans le développement et l’organisation de l’anthropologie française et sud-américaine dans la seconde moitié du 20e siècle, dans un contexte idéologique et politique qui mit à l’épreuve l’humanisme ethnologique. En contre-point, il conviendra de s’interroger également sur la façon dont l’ethnologie française se construit, en ignorant, en écartant, des domaines thématiques ou régionaux.

Ainsi Paul Rivet, en tant qu’homme-orchestre de l’ethnologie française, contribua à la formation de la première génération d’ethnologues, au travers des enseignements prodigués à l’Institut d’ethnologie (fondé en 1925) et des liens consubstantiels de celui-ci avec le musée du Trocadéro. Ces jeunes ethnologues partent ensuite sur le terrain missionnés par le musée. Nombre d’entre eux deviendront des grands noms de la recherche, oeuvrant pour et autour du musée d’Ethnographie du Trocadéro puis du musée de l’Homme de Paris. Citons Alfred Métraux, Jacques Soustelle, André Leroi-Gourhan, Marcel Griaule, Michel Leiris, Deborah Lifchitz, Denise Paulme, Germaine Tillion, Thérèse Rivière, Boris Vildé, Claude Lévi-Strauss, Georges Devereux, Paul-Emile Victor, etc.

Réfugié en exil à Bogota en mai 1941, Paul Rivet recommence en Colombie ce qu’il sait le mieux faire et y déploie les mêmes qualités d’entrepreneur scientifique en développant et animant les recherches et activités ethnologiques. Fort de son expérience parisienne, il met en place le même type de structure institutionnelle : un institut ethnologique national pour former la première génération d’ethnologues professionnels (Gregorio Hernandez de Alba, Gerardo et Alicia Reichel-Dolmatoff, Luis Duque Gomez, Roberto Giraldo, plusieurs jeunes femmes telles Edith Jimenez, Virginia Gutiérrez, Blanca Ochoa de Molina, etc.) qui partent en mission, font du terrain et collectent des objets ethnographiques. Il fonde une revue d’ethnologie qui permet la diffusion de la recherche menée dans le pays. Paul Rivet participe aussi à une réflexion plus générale sur le rôle d’un musée d’ethnologie en Colombie. Au-delà, c’est toute son influence en Amérique latine qui sera évoquée en montrant le rayonnement de ce savant français dans cette partie du monde dont la renommée reste encore vivace aujourd’hui.