Par Philippe Descola, professeur émérite au Collège de France et Vinciane Pirenne-Delforge, professeure au Collège de France, et modéré par Philippe Charlier, directeur du Département de la Recherche et de l'Enseignement du musée du quai Branly - Jacques Chirac.

Sous la forme de corps humains magnifiés, dieux et déesses peuplent les départements d’antiquités des musées. Replacés dans le contexte cultuel qui les a vus naître, ces objets permettaient de « présentifier l’invisible », comme le formulait joliment Jean-Pierre Vernant pour la Grèce antique. C’était une option parmi d’autres pour communiquer avec des puissances invisibles. L’Amazonie contemporaine produit aussi des images d’esprits ordinairement invisibles, non pour reproduire une apparence que personne n’a vue à l’état de veille, mais pour les rendre présents dans des rituels. Ce dialogue portera un regard croisé sur les stratégies employées dans l’un et l’autre cas pour « imiter » un corps imaginé, donner corps à l’invisible et rendre le monde plus complet.

Vinciane Pirenne-Delforge occupe depuis 2017 la chaire Religion, histoire et société dans le monde grec antique au Collège de France, après avoir été chercheuse au Fonds national de la recherche scientifique en Belgique et enseignante à l’Université de Liège. Ses principaux champs d’investigation sont la religion grecque antique – notamment ses dieux et ses normes rituelles –, le fonctionnement des systèmes polythéistes antiques et l’historiographie des religions. Elle a notamment publié L’Aphrodite grecque (1994), Retour à la source. Pausanias et la religion grecque (2008), L’Héra de Zeus. Ennemie intime, épouse définitive (2016), avec Gabriella Pironti, et Le Polythéisme grec à l’épreuve d’Hérodote (2020).

Après des contributions à l’ethnologie de l’Amazonie, fondées notamment sur des enquêtes parmi les Achuar, Philippe Descola se consacre depuis plusieurs années à l’anthropologie comparative des rapports entre humains et non-humains et, plus récemment, à l’anthropologie des images. Professeur émérite au Collège de France et directeur d’études à l’EHESS, il est notamment l’auteur de La Nature domestique (2019 [1986]), Les lances du crépuscule (1993), Par-delà nature et culture (2005), Diversité des natures, diversité des cultures, (2010), L’écologie des autres (2011), La Composition des mondes (2014), Une Écologie des relations (2019), Les Formes du visible (2021). Médaille d’or du CNRS en 2012, Philippe Descola est membre de la British Academy et de l’American Academy of Arts and Sciences.

Philippe Descola © Le Seuil-1 B. Roscot-Pleutin
Vinciane Pirenne-Delforge © DR