Rondônia (comment je suis tombé amoureux d'une ligne)

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Emilio Azevedo, Rondônia (comment je suis tombé amoureux d'une ligne)

Du 7 octobre au 25 janvier 2025

L’artiste belgo-brésilien Emilio Azevedo s’est intéressé dans ce projet aux missions militaires et ethnographiques entreprises par l’État brésilien entre les années 1890 et 1930 qui visaient à intégrer les régions amazoniennes à l’espace national. Lauréat du Prix pour la photographie du musée du quai Branly – Jacques Chirac en 2020, il explore les traces de ces missions dans les archives et dans le paysage contemporain, et pose un regard sur les conséquences écologiques et sociales de cette marche effrénée vers la modernité.
Dirigées par le maréchal Cândido Rondon, ces expéditions avaient pour objectifs l’établissement d’une ligne télégraphique à travers le territoire amazonien, la reconnaissance et le contrôle de ces zones pour en faciliter l’exploitation des ressources naturelles et la délimitation des frontières du pays.
Au cours de son enquête, l’artiste s’est plongé dans les archives photographiques produites par la mission Rondon conservées au musée du quai Branly et au Museu Histórico do Exército à Rio de Janeiro avant de se rendre dans l’Etat de Rondônia en Amazonie occidentale pour parcourir la route Transamazonienne BR 364 qui emprunte le tracé de la ligne du télégraphe. La ligne devient progressivement le fil conducteur du projet, cristallisant un mode d’organisation de l’environnement naturel fondée sur la projection géométrique et la segmentation des espaces.
Interrogeant le statut ambigu des photographies historiques, utilisées pour cartographier et contrôler le territoire, ainsi que légitimer l’entreprise de l’Etat brésilien, Emilio Azevedo rejoue et détourne dans ses propres images certains gestes et codes de la photographie d’exploration tout en scrutant les absences du récit officiel. S’inspirant de la pensée d’Édouard Glissant, l’artiste parle d’une « (po)éthique de l’opacité » pour qualifier sa recherche visuelle qui tend à préserver des zones d’ombre et refuse de figer les êtres et les paysages dans des catégories stables.

 

L'accrochage en images

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Le maréchal Rondon

Cândido Rondon (1865-1958), ingénieur militaire, a dirigé au début du XXème siècle la « Commission Rondon » chargée de la construction de lignes télégraphiques et de routes à travers le territoire amazonien. Adepte de la pensée positiviste, il était convaincu que la technologie et le progrès pouvaient favoriser l’unité de la nation brésilienne. En 1910 il prend la direction du « Service de protection des Indiens » qui visait en réalité l’assimilation et l’intégration des populations autochtones à la nation brésilienne. Pendant plus de 30 ans, Rondon a conduit ces expéditions et réalisé des missions de reconnaissance, de cartographie des terres et des rivières. En 1927, à 62 ans il est désigné « Inspecteur des frontières », chargé de reconnaître, délimiter, établir les frontières du Brésil.  

 

Les photographies de la Mission Rondon 

Le maréchal Rondon entrevoit très tôt la portée politique des photographies et de leur diffusion pour légitimer les activités de la mission. Cette dernière a produit une quantité d’images et de films dès 1912 avec la création de la Section Cinématographie et Photographie dirigée par l’ingénieur Thomas Reis. Le musée conserve un ensemble de photographies prises par Benjamin Rondon, fils de Cândido, entre 1927 et 1930, dans les états brésiliens du Para, du Mato Grosso et de l’Amazonas, ainsi qu’en Guyane Française et au Venezuela. A cette période, le maréchal Rondon était chargé de l’inspection des frontières.  
Envoyées au musée d’ethnographie du Trocadéro à Paris par Thomas Reis à la fin des années 1930, les photographies ont été collées sur des cartons gris et légendées par le service de la photothèque pour répondre au système de classification géographique et thématique alors en usage. Les légendes inscrites sur ces cartons peuvent comporter des imprécisions ou des erreurs dans les noms de lieux ou de personnes (par exemple « Randon » au lieu de « Rondon »). Des plaques de projection ont été produites à partir de certaines images de ce fonds, et pouvaient être utilisées lors de conférences.