L’exposition suit parcours circulaire dont l’introduction est aussi la conclusion. Cette circularité s’organise suivant un parcours principal intitulé "les cinq visages", caractérisé par la présence forte et rendue évidente de la parole kanak, et un parcours secondaire intitulé "les reflets", rendant lisible l’évolution du regard occidental sur le monde kanak par l’accumulation de témoignages documentaires.
Némèè : les "visages"
Dans la tradition kanak, se présenter revient à montrer son visage : il s’agit d’un protocole traditionnel d’entrée dans des espaces coutumiers pour des individus comme pour des représentants d’un groupe. Ces cinq "visages" sont nommés en langue ajië, l’une des 28 langues kanak toujours parlées.
Nô : le Verbe et la Parole
L’importance de la Parole se manifeste à travers la personne du chef (dit aussi "le grand aîné"). Elle s’exprime dans ce que l’on convient d’appeler la "coutume". Aujourd’hui les monnaies de coquillage y ont encore leur place. Autrefois de prestigieux objets y étaient échangés comme des haches de jade, objets ornés de cordonnets de poils de roussette, et ornements divers. Ces objets sont les supports de cette Parole. La figure historique du Grand Chef Mindia (1856-1921) est évoquée dans cette partie.
Mwâ ma mwâcirî : la maison et le pays
Le pays kanak traditionnel s’organisait autour de trois réalités visibles dans le paysage : les lieux d’origine, les Grandes cases installées en haut d’une allée paysagée, les autels aux esprits et les traces des maisons d’origine. La mémoire contemporaine conserve ces chemins anciens qui furent bouleversés par la colonisation foncière, les déplacements de population et l’enfermement des Kanak dans des réserves. La figure historique Grand Chef Nidoish Naissiline (18?- 1880) est associée à cette section.
Mwâ ma mëu : le taro et l’igname
Le cycle immuable de la culture de l’igname, nourriture fondamentale, est un des symboles les plus importants de la vie kanak. Ils permettent de comprendre l’indéfectible attachement du Kanak à sa terre et, en conséquence, de mieux saisir le drame que fut la spoliation de cette terre qui aboutit à la grande révolte kanak de 1878. Dans cette section, la figure d’Ataï (1833-1878), chef de l’Insurrection de 1878, est évoquée.
Bèmu ma rhee : les ancêtres et les esprits
Le religieux et le sacré vont s’exprimer et se concentrer autour de la figure ancestrale. Dans la société d’autrefois ils se manifestaient au grand jour à travers la sculpture et les masques tandis que les objets supports de puissance, comme les pierres magiques, se manipulaient dans le secret. La place importante du rêve dans la société kanak indique un mode de contact aux esprits qui garde toute sa vivacité. La figure historique du grand chef Aman de Touho illustre cette section.
Kamö ma vibéé : la personne et ses liens
La personne est fortement vécue dans le monde kanak. Mais on n’oublie jamais l’importance des liens sociaux qui la font vivre. Ces liens sont rappelés à chaque grande occasion de la vie par la circulation des monnaies qui les matérialisent. La société contemporaine vit toujours de ces liens dont on rappelle la profondeur dans les mariages et les grands deuils.
Toute l’ambition de Jean Marie Tjibaou (1936-1989) fut de tenter de construire un pays dont le contemporain s’appuierait sur ces fondements immuables de la société kanak. Autour de sa figure s’organise la fin du parcours.
Komè : les "reflets"
Le parcours secondaire est constitué de quatre "reflets", jouant comme les satellites des "visages" :
- L’invention : le regard des Lumières
- L’inventaire : la description scientifique
- La colonisation : l’invention d’une imagerie de propagande
- La réappropriation de notre image : de Canaque à Kanak.
Le concept de "reflet" est l’outil de la mise en perspective historique de l’ensemble des œuvres présentées. Elles seront toujours datées avec évidence, soit renvoyant au passé, soit marquant, en rapport avec ce passé, la contemporanéité des fonctions et des sens.
Y seront montrés des objets liés aux grandes explorations du XVIIIème et du XIXème siècles, une évocation documentaire des expositions coloniales et universelles où furent exhibés plusieurs groupes de Kanak, de nombreux documents illustrant l’imagerie populaire et les lieux communs, des images photographiques et des documents évoquant l’évolution du regard scientifique et missionnaire sur le monde kanak.