Après le succès de la première saison, BLEU INDIGO, jazz au musée se poursuit ce trimestre sous le signe des hybridations entre jazz et musiques du monde, avec des rencontres inédites entre musiciens, la présentation d’artistes de jazz qui ont depuis longtemps travaillé sur les musiques extra-européennes, et les résonances africaines et asiatiques d’une New World Music.
à propos du concert
Tous les ans depuis 1990, et toutes affaires cessantes, pour le solstice d’hiver, à l’aube réellement, deux vastes tambourinaires de Chicago rassemblent leurs percussions d’Afrique du Nord et de l’Ouest, du Moyen- Orient et de l’Est de l’Inde, puis jouent et jonglent avec mille et un rythmes pour un parterre de vespéraux. Celles et ceux qui ont assisté à ces moment de grâce peuvent en témoigner : telluriques ou transparents, les deux batteurs musiquent rubis sur ongle, brodent mesures et démesures, nouent alliance sur alliage, raffinent, raffinent, véloces, jusqu’à satiété. Ils remontent tous les temps, sont les maîtres du sentiment, de la durée et des permutations. Hamid Drake et Michael
Zerang font rouler le tonneau des rythmes sur les pentes fertiles d’un volcan, les rythmes montent de
leurs percussions comme la chaleur du sol. De l’un à l’autre, tout pousse et passe, la communication est définitivement établie.
Drake et Zerang sont propagateurs de rythmes et de remous à travers les miroirs et les mondes du jazz et des musiques improvisées. Formé par Fred Anderson, inspiré par Ed Blackwell, initié par Don Cherry, partenaire hors pair de William Parker, de Nicole Mitchell ou de David Murray, citoyen du monde des rythmes, que ce soit avec un dub poet, un joueur gambien de kora ou une chanteuse mongole de khöömei, du moment qu’il s’agit de milieux ouverts, Hamid Drake sait tout faire avec un rythme. Le semer, le cultiver, le récolter, le faire cuire et le faire goûter, notamment à son grand
ami le grand grainier Michael Zerang. Lequel, éduqué par sa famille aux percussions moyen-orientales, par ses voisins latinos aux congas et autres joyeusetés, et par la découverte précoce d’un Rahsaan Roland Kirk irrémédiablement affranchi, s’est tôt fait laboureur de surfaces résonnantes, qu’il racle, raye et rature comme nul autre, auprès des meilleurs improvisateurs des deux mondes.
Hamid Drake est considéré comme l’un des meilleurs praticiens des tambours sur cadre, et il excelle
également au tambour batá, ou iyà, ainsi que sur les tablas, tandis que dumbek ou darabukka n’ont
plus de secret pour Michael Zerang. La famille afroaméricaine de l’un vient de la vallée du Mississippi; la famille assyrienne de l’autre vient de la vallée du Tigre et de l’Euphrate. Mais d’un homme ou d’un fleuve à l’autre, la ligne de partage des eaux passe par monts et merveilles. Et à Paris, peu avant le solstice d’été, l’un et l’autre ont invité une vieille connaissance, une chanteuse mutante, qui connaît autant de chants d’oiseaux, même imaginaires, surtout imaginaires, qu’ils connaissent de chants des tambours : la dive Dee Alexander. Elle et Drake fréquentèrent ainsi un feu follet de Chicago, le saxophoniste Light Henry Huff, lequel, avec sa formation Sound Therapy, se faisait fort de masser les membres du public, à distance, ou de leur prodiguer certains traitements par la voie des sons.
Sagesse du rythmicien Drake : « De nos jours, les physiciens eux-mêmes s’aperçoivent de cela : qu’il n’y a pas de nature inhérente. La forme est vide. Si vous regardez n’importe quel objet sous un microscope, vous verrez d’autres choses, d’autres éléments, alors que l’objet paraît doté
d’une forme solide. Je suis heureux d’accomplir cette fonction qui donne l’impression qu’un rythme
est gardé, dans une situation donnée, profitable aux êtres, quoique je sache que je ne garde rien du tout. Comment le pourrais-je ? Le temps se meut constamment. Et ces mots même que l’on utilise : « garder » le rythme, « garder » le temps… Illusions. » Et sagesse du rythmicien Zerang : « Quand les délimitations disparaissent, tout coexiste. Et quand on parle de « rythmes », moi j’entends encore et toujours « vibrations », parce que les vibrations sont dedans et dehors, en haut et en bas, sous terre, sur terre et dans le ciel… Ces vibrations te disent tout ce que tu as besoin de savoir sur ce que c’est que d’être vivant, sur ce que c’est que d’être une personne. Parce qu’il n’y a rien qui ne soit contenu dans ces vibrations. » Ces rythmiciens sont les mieux placés pour allumer le feu central des « pulsations majeures du monde » dont parle René Depestre.
- Durée : 01:30
- Lieu : Théâtre Claude Lévi-Strauss
-
Dates :
Le samedi 02 juin 2012 à partir de 18:00 -
Accessibilité :
- Handicap auditif bim (T),
- Handicap moteur
- Public : Handicap auditif (Boucle à induction magnétique), Handicap moteur, Tous publics
- Categorie : Concerts
- Dans le cadre de : Jazz Bleu Indigo 2011-2012