La bédéthèque du salon de lecture J. Kerchache

Un panorama inédit de la BD mondiale en libre-accès

Contenu


Pour répondre au souhait du ministère de la culture de faire de l’année 2020, une année dédiée à la bande dessinée, la médiathèque du musée a repensé son approche du 9e art en réfléchissant aux spécificités que pourrait présenter une collection de BD dans un musée d’arts non-occidentaux.

La bédéthèque du salon de lecture J. Kerchache propose désormais, à travers plus de 2000 BD en libre accès, un panorama inédit de la bande dessinée mondiale. Une occasion également pour les visiteurs du musée de tracer des généalogies entre des cultures visuelles locales parfois anciennes et cet art jeune et transnational qu’est la bande dessinée.

  • Comment venir au salon de lecture J. Kerchache ?

Présentation

À l’occasion de l’opération BD 20 21 du ministère de la Culture, la médiathèque du musée a étendu sa politique documentaire dédiée au 9e art, présent comme partie intégrante du fonds grand public au salon de lecture Jacques Kerchache depuis l’ouverture du musée en 2006.

Cette opportunité permet de proposer une vue panoramique étendue de la bande dessinée mondiale, de genres populaires à d’autres méconnus, du Manga japonais aux Comics américains, des Chitra Katha indiens aux Pinoy Komiks philippins, tout en réfléchissant aux spécificités que pourrait présenter une collection de bandes dessinées dans un musée d’arts non-occidentaux.

 

Une vue panoramique de la bande dessinée mondiale

En juin 2021, ce sont plus de 1700 nouvelles acquisitions (traduites et en langues originales) qui sont venues enrichir les fonds de la médiathèque en suivant deux axes complémentaires :

  • un corpus d’œuvres des quatre continents, de la BD africaine aux Historietas Sud-Américaines, en passant par les « Ethnic Comics » Nord-Américains, « Latinx Comics », « Black Comics » et « Indigenous Comics »,
  • des outils théoriques (Histoires, encyclopédies, biographies, études) permettant de contextualiser et d’analyser les œuvres proposées à la consultation.

 

Un nouveau corpus

Ainsi lectrices et lecteurs, qu’ils soient amatrices ou amateurs, néophytes, chercheuses ou chercheurs, pourront découvrir et apprécier une collection embrassant des genres aussi divers que :

  • la bande dessinée historique,
  • la science-fiction,
  • l’horreur,
  • la bande dessinée d’aventure,
  • les fictions spéculatives par et autour des peuples autochtones,
  • des mythologies anciennes difractées par le prisme de la BD, remises à jour par le comics moderne,
  • redécouvrir des figures familières (Batman, Wonder Woman…) présentées sous un jour nouveau,

... Et, au final, tracer des généalogies entre cultures visuelles locales parfois anciennes et cet art jeune et transnational qu’est la bande dessinée.

 

Une offre riche en libre-accès

Les 1700 acquisitions ont entraîné une réorganisation des espaces du salon de lecture J. K.

Les bandes dessinées, en libre accès, sont classées dans des rayonnages reprenant en écho les aires géographiques du Plateau des collections du musée : Afrique, Asie, Océanie et Amériques (et Moyen - Orient).

Ces rayonnages BD occupent la partie centrale et le fonds du salon de lecture J.K (les espaces autour de la grande table restant eux consacrés à l'actualité du musée, des collections, de la recherche...)

 

Réorganisation des espaces

Politique documentaire

Une indexation RAMEAU spécifique permet également une recherche fine sur les thèmes et les pays d’origine des auteurs. Quelques exemples de requêtes RAMEAU :

Une cinquantaine de pays de tous les continents sont représentés dans ces acquisitions.

Il vous suffit de taper "bandes dessinées" et le pays de votre choix sur le catalogue de la médiathèque pour explorer le fonds BD.

Cf. ci-dessous l'exemple avec des bandes dessinées coréennes :

 

Une indexation RAMEAU spécifique

Les axes d’acquisition retenus pour enrichir le fonds BD en 2020 ont été les suivants:

  • Domaine 1: les bandes dessinées dont la présence s’impose comme une évidence dans nos collections en raison de leurs dimensions artistiques, ethnographiques et sociologiques. C’est le cas par exemple des ouvrages de Michael Yahgulanaas et de Cole Pauls, dont le style graphique cherche à s’insérer dans une tradition artistique revendiquée comme autochtone.
  • Domaine 2: la bande dessinée non-européenne, en langue originale ou traduite, éditée localement ou à l’international, qui reste cependant ancrée dans une tradition locale non-européenne.
  • Domaine 3: la bande dessinée produite par des auteurs issus des diasporas et de l’immigration, à l’image de Dustin Nguyen (Viêt Nam/États-Unis) avec Descender ou de Pornsack Pichetshote (Thaïlande/États-Unis) avec Infidel.
  • Domaine 4: les dessinateurs non-européens dont la production est surtout éditée aux États-Unis ou dans un autre pays occidental. Ce passage par l’Occident n’est pas un phénomène récent et fait partie intégrante de l’histoire de la bande dessinée mondiale dès les années 70, à travers les dessinateurs philippins notamment. Il s’agit ici de montrer les échanges et le décloisonnement des scènes comics du monde entier.
  • Domaine 5: la diversité des peuples et des cultures telle que l’appréhende l’Occident, à travers des éditeurs comme Marvel, dont les ouvrages sont porteurs de représentations plurielles sur les Inuits, les aborigènes, les amérindiens...
  • Domaine 6: les études et les histoires concernant la bande dessinée non-européenne

Les axes d'acquisitions en 2020

Vitrines et zooms thématiques

Le fonds BD de la médiathèque est régulièrement valorisé par de nombreuses vitrines ou rayonnages thématiques suivant l'actualité :

Et si Astérix, le plus connu des irréductibles Gaulois - traduit en 111 langues, plus de 350 millions d’albums - était d’origine argentine ?

Vitrine Du 10 octobre au 10 décembre 2020

René Goscinny, le père d’Astérix, a vécu dans la capitale argentine de 1928 à 1945, époque où la bande dessinée Patoruzú connaissait un immense succès. Héros créé par Dante Quintero en 1928, Patoruzú est un amérindien Tehuelche à la force extraordinaire, mettant à terre les méchants à grands coups de poings. Il est accompagné d’un personnage obèse à la force prodigieuse comme le sera Obélix.

L’exposition « Astérix à Buenos Aires » de 2015 soulignera cette filiation. L’autre influence argentine est plus discrète. Les bandes bleues et blanches du pantalon d’Obélix sont certainement inspirées par les couleurs du club de football Racing Club de Avellaneda dont Goscinny était un fervent supporter.

Même si Goscinny n’a jamais admis explicitement faire référence à Paturuzú, la ressemblance est frappante.

Un autre héros du duo Goscinny et Uderzo, Oumpah-Pah le peau-rouge, plaide pour cette filiation. Shawnee et non plus Tehuelche, ce personnage lui aussi a une force herculéenne et adore manger, non pas des sangliers mais du pemmican, une recette typiquement amérindienne de viande séchée. Une première version de ses aventures sortira en 1951 à destination des États-Unis. La version française ne sortira dans le Journal de Tintin qu’en 1958, soit un an avant le petit gaulois à moustache dans Pilote. Oumpah-Pah ne connaîtra malheureusement pas le succès d’Astérix et la série s’arrêtera en 1961.

À New York, Goscinny a rencontré Harvey Kurtzman, le créateur de la revue MAD, autre source d’inspiration pour lui, notamment lorsqu’il co-fonde Pilote avec Albert Uderzo et Jean-Michel Charlier en 1959. Marcel Gotlib, arrivé en 1965 au journal aura une grande importance dans l’évolution de Pilote et lui apportera ce ton particulier, fait d’irrévérence et d’absurde, qui séduisait de plus en plus les lecteurs devenus adolescents.

Magazine d’humour, Pilote abrite en son centre un petit supplément plus sérieux de quatre pages, le Pilotorama, consacré à l’évocation des sociétés éloignées dans le temps ou dans l’espace. De nombreuses cultures du monde y seront décrites et illustrées. Entre 1966 et 1969, Jean Marcellin consacre plusieurs Pilotorama à l’évocation de cultures extra-européennes. Ses dessins s’appuient sur des recherches documentaires approfondies ainsi que sur ses visites assidues au musée de l’Homme.

Cette documentation lui permet de représenter populations et objets avec justesse et précision. En 2017, le musée du quai Branly – Jacques Chirac a fait l’acquisition de neuf planches originales de Jean Marcellin où sont représentés des objets des collections.

Vitrine "Un irréductible gaulois en Argentine"

D'un chef d'oeuvre de la littérature à l'industrie du comics US : une petite histoire illustrée du comics aux Philippines : l'importance des auteurs philippins dans l'histoire du comics aux Etats-Unis.

Vitrine du 10 février au 10 mars 2020

Héros national philippin, touche-à-tout de génie, le docteur José P. Rizal (1861-1896) est aussi le plus illustre des écrivains de son pays. Pour son ouvrage Noli me tángere qui met en cause le colonialisme et la tyrannie exercée dans son pays, il sera fusillé par les Espagnols à trente-cinq ans.

    
Il est également considéré comme le premier des auteurs de bandes dessinées de l’archipel. Folkloriste reconnu, il illustre en 1885 le conte philippin The Monkey and the turtle.
 
Dès les années trente, de nombreuses bandes dessinée paraissent aux Philippines où le format comics sera très populaire. Rapidement, le talent des auteurs de l’archipel est reconnu mondialement. De nombreux thèmes sont abordés dans les comics ; la science-fiction et l’horreur ont une place de choix mais on trouve également certains titres comme Love life komiks, série de petites romances. La couverture de ce dernier titre est signée par Cal Sobrepeña (1940-…).
 
Nombreux sont les auteurs philippins de bandes dessinées à avoir travaillé pour les géants américains de l’industrie des comics : DC, Marvel ou encore la Western publishing. Le super-héros des marais, Swamp Thing, est dessiné dans ce numéro de 1976 par le célèbre Nestor Redondo (1926-1995) qui a rencontré le succès dès 1950 avec la super-héroïne philippine « Darna ». On retrouve Nestor au crayon dans le tout premier numéro de Tales of Ghost Castle. Son frère Frank Redondo, lui aussi illustrateur, a également travaillé pour les séries Unexpected ou Ghosts.
 
L’épisode « The mad planet » publié dans le magazine de science-fiction 1994 est signé Vic Catan (1948-2004) qui a commencé à travailler dans le studio de Nestor Redondo et qui, comme lui, a travaillé pour les séries Ghosts ou The house of secrets. Jesse Santos (1928-2013) est le créateur du héros « Dagar l’invincible ». Cette série publiée dans la collection Gold key de l’éditeur Western publishing s’inspire de Conan le Barbare sorti deux ans plus tôt chez Marvel. « Conan » est lui aussi illustré par un célèbre artiste d’origine philippine, Ernie Chan (1940-2012).
 

Vitrine "Une petite histoire illustrée du comics aux Philippines"

Petite histoire dessinée de l’exploration du Sud-Ouest : Quatre cartoonists au pays des Navajos

Du 14 juin au 28 septembre 2021

On attribue au cinéma, et plus particulièrement à celui de John Ford, la primeur de la mise en image des décors grandioses du Sud-Ouest des États-Unis mais c’est grâce aux Comics-Strips que la région devient familière aux yeux du grand public américain.

Au début du 20e siècle, la région n’est pas encore tout à fait explorée. C’est un couple de pionniers passionnés d’anthropologie et d’archéologie, Louisa Wade (1877-1945) et John Wetherhills (1866-1944), qui jouera un rôle prépondérant dans sa découverte et son ouverture au tourisme.
Les époux Wetherhills créent en 1906 le comptoir commercial de Kayenta dans la région d’Oljato (Utah). Totalement immergée dans la culture Navajo, Louisa en connaît parfaitement la langue et entreprend un travail de collecte ethnographique de plusieurs années.

Les expéditions archéologiques menées par John amènent à des découvertes majeures, comme celle du « Pont Arc-en-Ciel » en 1909. Le comptoir, point de chute des populations autochtones locales, devient sous l’impulsion du couple le point d’attraction pour qui veut découvrir la région, artiste (Dorothea Lange, Maynard Dixon), anthropologue (Clyde Kluckhohn, Earl Morris), homme politique (Theodore Roosevelt) ou, donc, dessinateur de bandes dessinées.

Dans le groupe de dessinateurs de bandes dessinées attirés par le Sud- Ouest, l’Uruguayen Jo Jacinto Mora (1876-1947) fait office de précurseur : sur les traces du critique d’art Aby
Warburg ou de la peintre et photographe Kate Cory, il passe deux ans chez les Hopis, de 1904 à 1906, à réaliser croquis et photographies. Il ne croise la route des Wetherhills qu’en 1927, lors des obsèques de Nasja Begay, l’indien Paiute guide de l’expédition archéologique de 1909, pour lequel il réalise une plaque commémorative, encore visible de nos jours.

À sa suite, James Swinnerton (1875-1974), George Herriman (1880- 1944) et Frank King (1883-1969) sont sensibilisés par les Wetherhills à la culture Navajo, au cours de leurs nombreux séjours à Kayenta.
En plus d’en faire le décor de leurs bandes dessinées, ils y intègrent des éléments propres à la vision du monde autochtone. George Herriman va jusqu’à s’en imprégner totalement dans les aventures de krazy Kat qui restituent en quadrichromie l’atmosphère particulière du comté de Coconino. Il réalise le tour de force d’évoquer avec respect le paysage par le prisme de la culture Navajo, à l’image du Rainbow Bridge, symbole d’harmonie.

Vitrine "Quatre cartoonists au pays des Navajos"

« Dessins désordonnés, dessins dérisoires, dessins grotesques le terme Manga (des kanji Man 漫 et Ga 画) a bien des significations qui évoluent avec le contexte historique de sa création.

zoom thématique

Si on peut faire remonter l’origine du terme à Kankei Suzuki puis Hokusai qui popularise le terme avec ses « dessins grotesques », le manga dans son acception moderne se construit à partir début du 20e siècle comme la résultante d’influences qui doivent autant à l’histoire des arts graphiques Japonais qu’à des artistes extérieurs au Japon.

Influences revendiquées et parfaitement intégrées (George Ferdinand Bigot, qui vécut au Japon entre 1882 et 1899, n’est-il pas considéré par les Japonais comme le « Caricaturiste de l’ère Meiji » ?), la narration en cases successives, les bulles sont autant d’éléments intégrés qui conduisent au manga moderne et son ultime signification : images qui s’enchaînent.

Si on entend par « Global Manga », l’appropriation stylistique, les emprunts symboliques et thématiques au Manga par des artistes non-Japonais (au hasard, Philippin avec Julius Villanueva, Algérien avec Matougui Fella, Français avec Boulet et Aseyn, et même Haida avec Michael Nicoll Yahgulanaas), on peut également faire entrer dans cette catégorie les adaptations en Manga de comics américains (Batman dès les années 60, Spiderman dès les années 70, Avengers, Justice League…), témoignant des constants échanges et courants qui remuent la bande dessinée mondiale…

En France, la découverte de l’univers du manga Japonais se teinte de nostalgie, car indissociable des anime du mercredi après-midi, eux même tirés d’œuvres de Mangakas fameux au Japon :

  • Gô Nagai (avec Goldorak),
  • Leiji Matsumoto (avec Albator),
  • Riyoko Ikeda (avec Lady Oscar),
  • Akira Toriyama (avec Dragon Ball)
  • Osamu Tezuka (avec le Roi Léo).

Même si plusieurs initiatives éditoriales seront tentées dès les années 70 (dans des magazines comme Budo ou le Cri qui tue) pour imposer le manga en France, il faudra attendre la parution chez Glénat du Akira de Katsuhiro Otomo en 1990, œuvre séminale qui influencera des générations de dessinateurs dans le monde entier. 

Zoom : Global manga

En ligne

La collection de BD fait également  l'objet d'une médiation en ligne pour les internautes sur les site internet du musée ou les réseaux sociaux :

Tous les soirs à 20h20 sur le compte twitter du musée, du 1er janvier 2020 au 30 juin 2021, pendant un an et six mois le temps de l'opération BD 20 21 du ministère de la culture, la médiathèque a partagé son fonds BD aux internautes.

Ces 547 tweets (366 + 181) sont à retrouver à travers les hashtags #BD2020MQB et #BD2021MQB.

(Cliquez ci-dessus pour parcourir les tweets par ordre chronologique des plus récents aux plus anciens)

547 tweets

Un tour du monde en tweets BD

Fin janvier 2020, nous avons rencontré Mehdi Ameziane et Pierre-Yves Belfils, respectivement bibliothécaire et responsable des publications périodiques et numériques au musée. Ces deux passionnés de bande dessinée ont eu la charge de repenser la politique documentaire dans l’optique de l’année 2020 dédiée au 9e Art. L’occasion de faire le point.

 

De quelle manière le musée du quai Branly aspire-t-il mettre à l'honneur la bande dessinée ?

Pierre-Yves Belfils : À l’annonce à l’été 2019 de l’Année de la BD en 2020 par le ministère de la Culture, nous avons été missionnés en interne  pour réaliser un audit de la collection de bandes dessinées conservées au musée.

Mehdi Ameziane : Nous avons très vite réalisé que la collection ne comptait que très peu de bandes dessinées réalisées par les pays représentés au musée. En Asie, nous avions évidemment beaucoup de mangas, mais rien en provenance du Sud-Est du continent. Or les Philippines par exemple sont un très grand producteur de BD depuis les années 1930. Nous n’avions qu’un seul livre de ce pays – Elmer de Gerry Alanguilan –  très peu d’ouvrages d’Afrique, nous n’avions rien d’Océanie.

D’où l’objectif de doubler notre fonds initial (800 œuvres) en acquérant  uniquement des bandes dessinées  d’auteurs extra-européens. 400  titres ont déjà été acquis.

Comment avez-vous travaillé à ce nouveau fonds ?


M.A. : Il a fallu repenser toute la partie de la politique documentaire de la médiathèque sur la bande dessinée. Il s’agit d’un texte qui oriente les critères d’achat et d’acquisition des ouvrages, écrit lors de la création de la médiathèque. Notre politique documentaire est, de fait, très axée sur l’anthropologie, l’ethnologie et l’histoire des arts non-occidentaux. Les domaines d’achat y sont classés par ordre d’importance, la bande dessinée y figurait tout en bas. Nous l’avons donc réécrite en fonction de cette recentralisation sur la bande dessinée non-européenne, en dégageant six axes et périmètres d’acquisition allant de la BD autochtone aux comics studies.
 

Avez-vous fait des découvertes étonnantes dans vos recherches ?


M.A. : Je me suis rendu compte qu’une grande partie des dessinateurs que j’aimais le plus étant adolescent – j’étais fondu de BD d’horreur – étaient philippins ! Je suis alors revenu un peu en arrière, et ai découvert la grande qualité de la BD philippine dans les années 1960, des comics supérieurs niveau dessin à ce que faisaient les Américains à l’époque. C’est d’ailleurs une grande source de fierté pour les Philippins : produire une BD supérieure à celle qui les avait influencés.

P-Y.B. : De mon côté, ça a été la constatation flagrante que la République Démocratique du Congo (RDC), de par son passé, a été LE foyer de la BD africaine. Une bande dessinée tellement européanisée par l’influence d’Hergé qu’elle prend nécessairement des accents belges, mais qui s’est rapidement répandue partout. Comme l’a dit Mehdi, l’explosion de la BD est allée très vite : au Bénin, au Sénégal, etc. Aujourd’hui, les auteurs de RDC sont installés en Europe et font de la BD quasi européenne (à l’instar de Barly Baruti) ; d’autres sont partis aux États-Unis travailler pour Marvel.

Durant ces mois de recherche, nous avons surtout découvert que la bande dessinée était un phénomène mondial du fait de sa très grande popularité.

Preuve que la bande dessinée ne se résume pas à la BD belge, aux mangas et aux comics ?

M.A. : Certes la bande dessinée est née en Occident grâce à Rodolphe Töpffer, l’auteur en en 1831 de L’Histoire de Monsieur Jabot, l’une des premières BD traduites en américain et qui va se répandre comme une traînée de poudre un peu partout. Mais elle ne s’est pas imposée par qu’elle était d’influence européenne, mais parce qu’elle représentait un langage particulier qui alors manquait.

Comme tout phénomène lié à la culture populaire, il n’est pas étonnant que la BD apparaisse en même temps et dans différentes parties du monde, sans qu’il y n’ait de lien particulier entre les artistes. En janvier 1929 par exemple, on voit l’apparition de trois personnages à trois endroits différents : Tintin en Belgique, Kenkoy aux Philippines et Popeye aux États-Unis. Ces trois personnages, même s’ils sont très différents, vont devenir extrêmement populaires dans leurs pays. Et pourtant, ils n’ont aucun lien entre eux, ne serait-ce qu’historique. Aucun n’a influencé l’un ou l’autre.

Le trait commun à la bande dessinée, c’est que dans l’ensemble des pays où elle est apparue, elle a d’abord été considérée comme un art mineur. L’historien de l’art Philippe Alain Michaud y voit d’ailleurs une sorte de parallèle dans l’histoire de la reconnaissance du 9e art et celle des arts dits « premiers », une reconsidération étroitement liée au regard porté par les artistes contemporains sur ces deux types d’art.

Interview autour du fonds BD

Revue de presse : Le monde en bandes dessinées

La bédéthèque du salon de lecture

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