Éclairages sur les demandes de restitution du patrimoine africain

Contenu

Cette page a pour objectif de répondre aux questions du public sur les demandes de restitution du patrimoine culturel africain conservé au musée du quai Branly - Jacques Chirac.

éclairage sur les restitutions du patrimoine africain

Que désigne le terme « restitution » ?

En France, c’est un processus par lequel l’État restitue, à un autre État, un objet qui a été volé, pillé ou saisi, donc acquis de manière illicite.

Comment se passe le processus de restitution d’une œuvre - ou d’œuvres - d’art conservées dans un musée français ?

L’État est propriétaire des collections nationales. En accord avec les pays d’origine qui en font la demande officielle, il peut donner droit, sur la base de recherches historiques préalables de provenance et d’acquisition, à la restitution d’une œuvre d’art. En l’état actuel du droit, seule une loi autorisant une dérogation au principe d’inaliénabilité des collections nationales peut permettre un transfert de propriété d’une œuvre à l’État demandeur. Ainsi, un projet de loi doit être déposé au Parlement par le gouvernement. Une fois votée et promulguée, la loi permet de sortir les œuvres du domaine public et d’en transférer la propriété à l’État demandeur.

À qui la France peut-elle restituer une œuvre ?

Une restitution peut être faite à un État, et exclusivement à un État.

Comment détermine-t-on si une œuvre a une origine illicite ?

Des recherches rigoureuses et approfondies sont menées sur chacun des objets pour en déterminer la provenance et l’histoire : l’origine de l’œuvre, le mode et le contexte d’acquisition. Elles exigent le dépouillement systématique de nombreux fonds d’archives et l’analyse scientifique des objets. Ces recherches sont réalisées par des chercheurs et des professionnels des musées des pays d’origine et de France de façon croisée. Les résultats de ces recherches permettent de déterminer si l’œuvre a été acquise de manière licite ou illicite, voire dans des conditions restant incertaines quand les recherches ne parviennent pas à aboutir à un résultat précis.

La France a restitué 26 œuvres à la République du Bénin en 2021 : pourquoi ces pièces en particulier ?

Les 26 œuvres restituées sont des prises de guerre du général Dodds lors de la conquête coloniale française du royaume du Danhomè (Bénin actuel). Les œuvres ont été pillées lors de la prise d’Abomey en 1892, dans les palais royaux et notamment celui du roi Béhanzin qui régnait alors. Ces pièces ont une valeur historique, symbolique et protectrice très importante pour la population béninoise. L’exposition des œuvres à Cotonou en 2006-2007 avait fait naître la volonté de leur retour définitif au Bénin. Les autorités béninoises ont adressé une demande officielle à l’État français le 26 août 2016. L’étude historique et scientifique de cet ensemble, parfois désigné comme faisant partie du « Trésor de Béhanzin », démontre de manière incontestable que ces pièces sont issues de cette prise de guerre. Sur proposition du musée, le Président de la République a annoncé leur restitution en novembre 2018, un an après son discours à Ouagadougou, dans lequel il annonçait son souhait de voir les conditions réunies pour des restitutions temporaires ou définitives du patrimoine africain en Afrique.

La loi n° 2020-1673 du 24 décembre 2020 relative à la restitution de biens culturels à la République du Bénin et à la République du Sénégal a acté le transfert de propriété à la République béninoise des 26 œuvres. Ces dernières ont rejoint le Benin en novembre 2021.

Toutes les œuvres africaines conservées au quai Branly vont-elles être restituées ?

La majorité des 70 000 objets d’Afrique subsaharienne conservés au musée du quai Branly - Jacques Chirac a été acquise de manière licite, par achats ou par dons. Pour ceux à propos desquels un doute existe, un examen attentif et des recherches sur le contexte de l’acquisition de ces objets est nécessaire. C’est pourquoi un vaste « chantier des provenances » a été engagé par le musée pour approfondir les recherches et tenter de retracer l’itinéraire des œuvres avec les équipes scientifiques des musées des pays d’origine des objets conservés.

Quels pays ont aujourd’hui fait des demandes officielles de restitution d’œuvres conservées au musée ?

Outre le Bénin et le Sénégal, cinq autres pays africains (Madagascar, Côte d’Ivoire, Éthiopie, Mali et Tchad) ont formulé des demandes officielles de restitution. Chaque demande est étudiée au cas par cas par les autorités françaises compétentes, en lien avec les acteurs culturels et scientifiques concernés, et en concertation avec l’État demandeur. Des programmes de coopération culturelle ambitieux sont construits avec chacun de ces pays et le musée poursuit et développe des partenariats scientifiques et culturels avec les musées africains, les communautés autochtones et les populations locales.

D’autres pays européens procèdent-ils à des restitutions d’œuvres ?

Plusieurs pays européens ont défini une ligne politique visant à restituer une partie du patrimoine pillé pendant la période coloniale.

  • L’Allemagne a engagé des programmes de recherche sur la provenance des collections : le ministère de la culture (BKM) a créé une structure spécifique pour financer et entreprendre les recherches de provenance sur le patrimoine culturel spolié (Deutsches Zentrum Kulturgutverluste-DZK). L’association des musées allemands a édité en octobre 2018 un guide des bonnes pratiques pour le « traitement des biens de collections issus de contextes coloniaux ».
  • Les Pays-Bas ont élaboré un cadre politique pour le traitement des collections coloniales, présenté à la Chambre des Représentants en janvier 2021. Ce cadre met en avant la nécessité d’une politique de retour élaborée conjointement avec les pays d’origine. Le projet Pressing Matter: Ownership, Value and the Question of Colonial Heritage in Museums, coordonné par le Musée national des cultures du monde (NMVW) et la Vrije Universiteit d’Amsterdam (VU) permettra de faire aboutir les recherches pour déterminer la provenance des 450 000 objets d’art que le NMVW conserve.
  • La Belgique a annoncé son intention de restituer à la République démocratique du Congo (RDC) de nombreux objets, acquis par la force sous le règne de Léopold II entre 1885 et 1908. L’Africa Museum de Tervuren a publié sa politique de restitution des œuvres soustraites pendant la période coloniale. (principes ethiques de restitution rapport d’un groupe d’experts, édité par la FARO),

 

Septembre 2023.